Mine de rien, le paysage vidéoludique polonais a le vent en poupe depuis un certain nombre d'années maintenant, grâce aux productions maîtrisées de studios comme Techland (Dead Island, Dying Light) et bien évidemment CD Projekt. Toutefois, la patrie de Chopin voit également émerger des oeuvres aux ambitions et aux budgets plus modestes, en attestent les récentes réussites de Bloober Team (Layers of Fear, Observer). Appartenant plutôt à cette dernière catégorie, le studio méconnu Artifex Mundi nous délivre en ce mois de septembre le point and click My Brother Rabbit, une plongée fantastique et mélancolique dans l'esprit d'une petite fille atteinte d'une maladie grave.
Alors qu'un frère et une soeur jouent innocemment dans le jardin familial, cette dernière éprouve une douleur soudaine. Pourtant inquiets, ses parents tentent tant bien que mal de la rassurer. Flanqué de son inséparable peluche lapin, le grand frère quant à lui s'emploie à rester aux côtés de sa cadette afin de la soutenir dans cette difficile épreuve...
Dali au pays des merveilles
Si le titre du jeu, My Brother Rabbit, met sur un même plan le frangin et sa peluche, c'est bien parce que les deux se confondent ici. À travers cinq chapitres, nous incarnons donc ce fameux lapin qui s'évertuera à redonner des couleurs à une petite pousse maladive, dans un univers pour le moins singulier et fantasque. Entre ces chapitres s'intercalent des séquences composées d'une suite de dessins crayonnés permettant de rendre compte de ce qui se déroule dans la réalité. Comme souvent dans ce genre de petite fable vidéoludique, le titre d'Artifex Mundi fait le choix de se passer de mots. Le joueur établit aisément le parallèle entre les événements du monde fantasmé et les événements réels, auxquels les premiers font écho.
Notre lapin à la salopette bleue évolue donc dans un monde irréel et particulièrement b(ig)arré, où les êtres et les objets ont d'autres fonctions que celles qu'on leur attribue : poissons-clefs permettant d'ouvrir des coffres, scarabées aux mandibules en forme de scie, étoiles de mer ornées de néons... Un univers que l'on pourrait croire tout droit tiré de l'imaginaire d'un Lewis Carroll ou du peintre surréaliste Salvador Dali, à qui il est clairement fait référence dans certains tableaux. Le niveau de détail est saisissant et on se prend, de fait, à admirer les différents décors et les éléments fantastiques qui les composent. Contrastant avec ces décors chatoyants, la musique se veut délicate, mélancolique, rappelant au joueur que la vie d'une petite fille est réellement en jeu.
Cure-soeur
My Brother Rabbit est construit comme un point and click pur jus (du moins en apparence), avec son lot d'items à glaner et d'énigmes à résoudre. Chaque niveau est ainsi constitué de plusieurs tableaux, dont certains s'avèrent inaccessibles au départ. Le joueur dispose d'un curseur qu'il peut déplacer librement sur tout le tableau afin d'interagir avec les différents éléments disséminés çà et là. Car pour pouvoir débloquer d'autres tableaux et, in fine, terminer le niveau, il est demandé au joueur de retrouver plusieurs groupes d'éléments très variés (araignées, fleurs crabes, ballons de baudruche... faites votre marché), lesquels permettent d'accéder à un certain nombre d'énigmes. Une fois résolues, celles-ci actionnent l'ouverture d'un nouveau passage ou confrontent le joueur à de nouveaux casse-têtes.
Pour chaque groupe d'éléments à retrouver, un inventaire en haut à droite de l'écran signale au joueur combien d'entre eux il lui reste à dénicher et si le tableau dans lequel il se trouve en comporte encore ou non. Bien pratique pour éviter de perdre du temps sur un tableau pour rien. Les énigmes quant à elles s'avèrent plutôt réussies et surtout suffisamment variées pour ne pas lasser le joueur : dominos à placer dans le bon sens, cercles concentriques à orienter dans la bonne direction... Certaines d'entre elles se paient même le luxe d'être assez ardues. Par ailleurs, des instructions imagées orientent le joueur sur la marche à suivre pour la résolution des énigmes.
The Waldo Moment
Intéressant sur sa première moitié, le titre d'Artifex Mundi révèle cependant ses limites sur la longueur. Pour faire court, le joueur passera le plus clair de son temps à écumer les moindres recoins d'un tableau pour retrouver les items perdus. Le jeu s'apparente ainsi davantage à une sorte d'adaptation d'Où est Charlie ? qu'à un véritable point and click. D'autant que certains items sont si bien dissimulés dans le décor qu'on aura tôt fait de longer les tableaux en martelant la touche du curseur pour dénicher le précieux élément. Autant vous dire que si vous vous procurez le jeu sur Switch, il est déconseillé d'y jouer autrement qu'en mode portable tant le niveau de détail sur chaque tableau impose au joueur d'avoir les yeux rivés sur l'écran.
Enfin, au-delà de son postulat de départ, l'intrigue évolue assez peu et on ne suit que passivement le cheminement de notre frère-lapin dans sa quête pour sauver sa soeur-pousse. Seul moment sortant un peu de l'ordinaire : les mécanismes à enclencher (un par niveau), qui requièrent d'assembler plusieurs objets d'un même tableau donnant par la suite lieu à une scène surréaliste où divers bruitages se conjuguent pour créer une cacophonie burlesque. Quoi qu'il en soit, comptez environ 3 ou 4h de jeu pour tout faire, selon votre degré d'observation.